Il n’a jamais été aussi simple de changer !

Au XVème siècle, l’espérance de vie d’un Français était de dix-neuf ans. Deux siècles plus tard, elle n’atteignait toujours pas trente ans. Entre le quart et le tiers des nouveaux nés mourraient alors avant l’âge d’un an et la moitié avant vingt ans. Il faudra attendre la fin du XIXème siècle pour que l’espérance de vie des hommes en France dépasse quarante ans.

Des siècles se sont ainsi succédés pendant lesquels l’espoir était très limité d’atteindre un âge qui représente pour la plupart d’entre nous aujourd’hui à peine le tiers ou la moitié de notre vie. A l’âge où nos ancêtres étaient « vieux » et devaient renoncer à se projeter dans l’avenir, nous disposons généralement de plusieurs dizaines d’années devant nous pour continuer à bâtir, avec les bénéfices qu’apportent la maturité acquise au cours de plusieurs décennies d’existence.

Non seulement la vie était en moyenne quatre fois plus courte à la fin du Moyen-Âge qu’aujourd’hui, mais la société française comptait 95% de paysans dont le statut et la vie quotidienne étaient plus ou moins étroitement liés à la tutelle de leur seigneur. Présenté autrement, si vous étiez né en France au XVème siècle, vous auriez eu 95% de chances de naître, vivre et mourir avec un statut dans lequel vos droits étaient dans les faits limités au bon vouloir de votre maître. Vos perspectives de vie ? Suivre le cycle des saisons et recommencer les mêmes tâches année après année, d’une manière parfaitement rodée et sans surprise (si ce n’est celle d’une récolte catastrophique en cas de mauvaise saison). L’écrasante majorité de la population n’avait aucune possibilité de choisir son métier, l’école étant dans les faits peu fréquentée par les enfants de paysans occupés à assister leurs parents dans les travaux des champs. On ne choisissait pas sa religion, ou alors à ses risques et périls quand il ne s’agissait pas de la religion officielle, pas plus qu’on ne donnait son avis sur le choix du dirigeant de son village ou de celui de son pays qui était en place par sa propre volonté, ou officiellement par celle de Dieu…

L’espoir ? Difficile alors à trouver ici-bas. Comment imaginer son avenir à quarante ans lorsqu’on est déjà considéré comme un vieillard qui peut s’estimer heureux d’avoir atteint cet âge canonique ? Comment envisager de jouer un rôle même à petite échelle dans une société tellement sclérosée ? Seule l’espérance d’une vie meilleure après la mort pouvait procurer à tant de personnes la force d’accepter leur sort. On parle aujourd’hui de plafond de verre pour évoquer la difficulté de progresser sur l’échelle sociale, mais que dire de la société française d’Ancien Régime divisée en trois classes bien séparées et cloisonnées ?

Le tableau précédent peut paraître bien sombre, et l’on trouvera toujours des personnes pour considérer que la vie de nos ancêtres avait aussi ses bons côtés. Mais ces faits sont là pour nous rappeler que les mots opportunités et perspectives n’ont eu pendant très longtemps aucune signification dans l’existence de la plupart de ceux qui nous ont précédé. Et nous permettre de relativiser nos difficultés à appréhender le changement dans nos vies

« Il n’a jamais été aussi simple de changer ! » J’ai bien conscience qu’un tel message peut sembler déplacé pour qui vient de déposer le bilan de son entreprise après s’être battu pendant des mois ou des années pour la maintenir à flot, ou pour celui qui remue ciel et terre sans résultats pour trouver un emploi, ou encore pour la personne qui se bat contre une addiction sans parvenir à s’en libérer.

Et pourtant…

Bien sûr nos peurs si diverses sont présentes aujourd’hui comme hier, mais à y regarder de près ont-elles jamais été aussi irrationnelles ? De nouveaux moyens sont mis à la disposition de celui qui souhaite ardemment changer. Internet a démultiplié l’accès aux conseils. Grâce aux nombreux forums et blogs disponibles sur à peu près tous les sujets imaginables, il est possible d’échanger avec des dizaines, voire des centaines d’individus autrefois inaccessibles et d’être mis en relation avec des personnes œuvrant au même changement que soi. Il est possible de trouver un ouvrage traitant de n’importe quel thème, dans la langue de son choix, de l’acheter en un clic et de se le faire livrer en quelques jours sans bouger de son domicile. De nouveaux métiers sont apparus – coaches, nutritionnistes, conseillers financiers, conseillers carrière – afin d’offrir un support adapté à chacun dans son processus de changement. Bien sûr, il faut maintenant faire le tri dans cette abondance de conseils et il est souvent difficile de juger de la réelle expertise d’une personne qui exprime son opinion sur un forum ou de l’objectivité d’un conseiller financier. Mais la facilité d’accès à l’information n’a jamais empêché l’analyse critique, et quel responsable avisé se plaindrait de disposer d’un trop grand nombre de sources d’informations pour pouvoir décider en connaissance de cause ?

Oui, notre société est devenue plus égalitaire et moins discriminante, même si les progrès peuvent parfois nous paraitre lents. Les lois sont là pour nous rappeler que les propos et actes racistes constituent des délits, de même que la discrimination à l’embauche d’un candidat. Il suffit de se replonger à peine quelques décennies en arrière pour mesurer le chemin parcouru. Bien sûr, il reste facile de contourner la loi et d’évoquer d’autres raisons officielles à un candidat recalé que la couleur de sa peau, son handicap ou son sexe. Bien sûr, notre société n’est pas le Jardin d’Eden et les actualités nous rappellent tous les jours ses insuffisances et ses limites. La pauvreté est loin d’être éradiquée et il serait sûrement illusoire de penser qu’elle le sera un jour. Le chômage est endémique et s’est installé durablement dans notre société depuis la fin des années soixante-dix, au point où aucune personne réaliste n’imaginerait un retour du plein emploi dans les quelques années qui viennent. Et au point où tout individu, quel que soit sa formation, doit maintenant considérer le chômage comme une étape probable dans sa carrière. Certes l’ascenseur social semble s’être grippé depuis la fin de la période des Trente Glorieuses comme l’a mis en évidence l’une des dernières analyse de l’Observatoire des Inégalités qui relève que « 52 % des hommes âgés de 40 à 59 ans fils de cadres supérieurs sont eux-mêmes cadres supérieurs alors que seuls 10 % des fils d’ouvriers du même âge occupent le statut de cadre.[…] En revanche, 46 % des fils d’ouvriers sont eux-mêmes ouvriers, contre 10 % des fils de cadres supérieurs ». Mais si le changement vertical serait plus compliqué qu’il y a cinquante ans, le changement horizontal (le vrai, pas celui qui se limite à sauter d’un poste à un autre tout en restant dans le même métier, processus qui se rapproche davantage de l’amélioration que du changement authentique) semble être davantage entré dans les mœurs.

Réalise-t-on ces changements sans efforts ? Evidemment non. Est-ce rapide ? A nouveau non. Mais un fils de paysan pouvait-il espérer s’enrichir au XIème siècle quand la notion de propriété était très relative (ou plutôt très précise dès qu’il s’agissait des biens de la Noblesse ou du Clergé…) et que rapines, guerres et épidémies achevaient de détruire le peu qui subsistait ? Un Afro-américain a pu récemment être à la tête de la première puissance mondiale, ce même pays dont les autorités, il y a encore moins d’un demi-siècle, lui auraient interdit de s’asseoir sur les banquettes de bus réservées aux blancs. Une femme en France peut aujourd’hui exercer n’importe quelle fonction au service de l’Etat, alors qu’elle n’avait pas même le droit de voter il y a quelques décennies. Des tabous ont disparu, qui empêchaient autrefois les individus de s’ouvrir sur leurs défis, de chercher de l’aide et finalement de changer. Notre société reconnait un peu mieux que souffrir d’addiction n’est pas l’apanage des démunis et des « paumés », mais que des individus matériellement comblés, entourés et socialement établis peuvent être concernés. Cette évolution des mentalités favorise l’écoute et l’empathie, et aide les personnes atteintes à admettre leur situation en acceptant davantage le regard de l’autre, l’un des prérequis pour changer avec succès. 

« L’optimisme, c’est être conscient des limites, des carences, des faiblesses du monde, mais refuser catégoriquement de s’arrêter dessus, c’est croire qu’on a toujours une marge de manœuvre positive, qu’on a toujours le choix ».

Christophe André, psychiatre, specialiste de la psychologie positive

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Publié par Alain Orsot

Découvrir nos moteurs et comprendre nos freins pour se construire. Auteur de "Reprendre sa vie en main", "En finir avec la crainte de changer", "Les trois clés des bâtisseurs"

5 commentaires sur « Il n’a jamais été aussi simple de changer ! »

  1. Bonjour, un beau billet; plein d’optimisme, et oui on peut, on pourrait , on devrait pouvoir changer mais, pourquoi si c’était si simple je n’y arrive pas? manque de volonté due en partie au vieillissement et à la conjoncture actuelle où je ne vois pas le bout du tunnel, j’avance avec le masque sur le nez et pire sur les yeux! bonne journée Amicalement MTH

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    1. Merci pour votre commentaire ! Le but n’est pas en effet de nier l’existence des freins, peurs et émotions qui nous habitent tous (et le caractère anxiogène de la période actuelle n’aide pas…). En même temps, tenter de porter un regard objectif et factuel sur nos situations, reconnaître les outils et les pistes dont on dispose aujourd’hui pour nous aider, cela peut contribuer à moins écouter la petite voix qui tente de nous faire baisser les bras et à la remplacer par un discours intérieur plus confiant et apaisé 🙂

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  2. merci pour votre article 🙂 Rien ne dure, tout se transforme. Aujourd’hui, avec mon expérience, je dirai « c’est la prise de conscience qui est le 1er pas pour changer » 🙂 certes elle ne suffit pas, car il est nécessaire d’agir pour aller vers le changement.. je crois que notre monde en est là, tel le colibri, chacun sa part pour avancer vers un monde meilleur, belle continuation ! Sylviane*

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