Peur de changer ou hésitation à vivre pleinement ?

De récentes découvertes au sujet de l’évolution de nos ancêtres hominidés ont montré un phénomène qui a d’abord laissé perplexes les spécialistes : pendant des centaines de milliers d’années, la taille du cerveau des premiers hommes n’aurait subi quasiment aucune évolution, se rapprochant davantage de celle du chimpanzé que de celle de l’homme moderne, pour connaître une augmentation brutale voici quelques dizaines de milliers d’années. Pourquoi une telle constance pendant si longtemps, suivie d’un « éveil » soudain ? Et quel a été l’élément déclencheur de ce phénomène ? En croisant ces données avec les informations concernant l’évolution du climat terrestre au cours du temps, les chercheurs ont été capables de donner une explication : le cerveau de nos ancêtres se serait développé sous l’effet de l’aiguillon du changement de leur environnement, notamment climatique. C’est sous la contrainte de la nécessaire adaptation à de nouvelles conditions, de l’obligation de rechercher des solutions différentes de celles qu’ils avaient coutumes de mettre en œuvre – pour chasser, se défendre, se déplacer, bref pour survivre – que leurs facultés se sont développées et que leur cerveau, davantage sollicité qu’en période de confort, s’est transformé.

Rares sont les personnes qui recherchent volontairement le changement. Tout au plus désire-t-on éviter la monotonie en améliorant notre quotidien, mais peu d’entre nous sommes prêts à prendre le risque de changer en profondeur. Et c’est le plus souvent poussés par la nécessité que la plupart des individus – comme nos ancêtres – se décident à accepter des changements majeurs dans leur vie, en les subissant bien souvent davantage qu’ils ne les initient. « Face au futur, je ne connais que trois sortes de personnes » écrivait John Richardson, « celles qui le laissent arriver, celles qui le font arriver, et celles qui se demandent encore ce qui est arrivé ».  Et moi ? Suis-je une personne qui subit le changement dans sa vie, acceptant avec fatalité un nouvel état de fait qui ne correspond pas à ses objectifs de vie, voire se lamentant sur ses conséquences ? Ou une personne dépassée par ce changement qu’il ne maîtrise pas, un changement qui transforme son environnement – sa profession, son caractère, ses relations – pour en faire un monde qu’il ne reconnait plus et qui le laisse sur le côté ? Ou bien une personne qui non seulement accueille le changement, mais le recherche activement, y voyant une source d’opportunités, d’enseignement et de croissance ?

Le changement est un voyage : lorsque ses objectifs sont clairs, qu’il est correctement préparé et organisé, il peut nous offrir les meilleures surprises et les plus belles découvertes. Le succès d’un premier changement peut alors devenir le point de départ d’une volonté d’évolution plus ambitieuse encore, d’un désir de voyager plus loin, comme l’ont confirmé la grande majorité des personnes que j’ai eu l’occasion d’interroger : « Si je suis capable de réaliser cela, à quel point je peux faire bien davantage ». A l’inverse, s’il n’est pas associé à un profond désir, reflet d’un véritable objectif de vie, et que sa construction est négligée, le voyage n’est qu’une errance : c’est ce qu’il est pour beaucoup de personnes qui affirment à la va-vite « je veux changer », mais qui ne prennent pas le temps d’examiner leurs véritables aspirations ou de tracer la route qui les mènera avec confiance vers leur objectif.

Steve Jobs, que j’ai déjà eu l’occasion de citer dans un précédent article, s’exprimait ainsi : « Vous souvenir que vous allez mourir est le meilleur moyen d’éviter le piège qui consiste à penser que vous avez quelque chose à perdre. Vous êtes déjà nu. Il n’y a aucune raison pour ne pas suivre votre cœur ». Qu’ai-je à protéger de si précieux qui justifie de renoncer à grandir et à m’accrocher à ces aspirations qui me semblent parfois irréalistes et que je balaye peut-être trop vite d’un revers de main ? Vais-je donner à mes peurs tellement de valeur et d’écoute au point de leur confier une procuration sur ma vie ? Et si conquérir la peur du changement, ce n’était ni plus ni moins que vaincre mon hésitation à vivre pleinement ?

Publié par Alain Orsot

Découvrir nos moteurs et comprendre nos freins pour se construire. Auteur de "Reprendre sa vie en main", "En finir avec la crainte de changer", "Les trois clés des bâtisseurs"

9 commentaires sur « Peur de changer ou hésitation à vivre pleinement ? »

  1. Cette question de notre attitude face au changement est intéressante.
    Je pense qu’il y a une quatrième alternative : des personnes qui provoquent le changement pour fuir le présent, avec l’illusion que cela leur apportera de la croissance, certes, mais surtout leur permettra de tourner la page et de laisser ainsi leurs soucis passés. Bref, chercher le changement comme une fuite face à un quotidien difficile, voire traumatique.
    Se pose alors l’inexorable question :
    L’herbe est-elle vraiment plus verte ailleurs?

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    1. Merci pour votre commentaire, une piste intéressante en effet. Se pose peut-être la question de savoir si ce type de changement engendre réellement un nouvel état, ou bien s’il ne fait que cacher une situation à laquelle la personne n’a pas vraiment fait face ? Il y aurait en effet beaucoup à dire, le sujet est vaste 😉

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      1. En ce qui me concerne, il s’agit surtout d’emprise. Les personnes toxiques ne supportent pas de voir l’autre heureux, stable. Alors ils bousculent tout et font naître de nouveaux projets : changer de métier, déménager, faire un nouvel enfant…
        Le sujet est vaste, en effet. Et, comme vous le dites, il s’agit d’une situation à laquelle la personne n’a pas fait face : comment comprendre qu’on est sous l’emprise d’un conjoint toxique ?
        Le changement, vu sous cet angle, est à la fois vecteur de croissance (faire des projets ensemble permet de maintenir l’illusion de former un couple équilibré) et source de destruction (la personne sous emprise ne se sentira jamais bien car dès qu’elle trouve un équilibre, tout est constamment remis en question).

        Combien de couples fonctionnent ainsi sans s’en rendre compte ?

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